Une transition en douceur, c’est ce
que Barak Obama, le président américain, veut désormais après l’élection
de Donald Trump. L’actuel locataire de la Maison Blanche doit recevoir
son successeur ce jeudi pour organiser le passage de relais. Plusieurs
dossiers concernent spécifiquement l’Afrique comme l’immigration,
l’économie, l’environnement, ou encore la coopération militaire.
Officiellement, les Etats-Unis ne reconnaissent qu’une seule base
militaire en Afrique à Djibouti où 3 000 à 4000 hommes sont déployés.
C’est le point de départ d’opérations contre les shebabs en Somalie, ou
contre les pirates du golfe d’Aden. Evidemment, la présence américaine
est beaucoup plus large. L’Africom, c’est le nom
du commandement américain pour l’Afrique, dispose en fait d’un maillage très étroit, dans 45 pays africains, selon le département d’Etat.
Il s’agit parfois de simples conseillers de défense et parfois de
véritables postes avancés. C’est le cas au Kenya, en Centrafrique, en
Ouganda, mais aussi dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest comme au
Sénégal, au Mali, au Niger et au Ghana. En résumé, l’armée américaine
est présente à peu près partout en Afrique avec des moyens plus ou moins
importants, et une importante capacité de déploiement, en cas de
besoin.
Une présence récemment renforcée
Sous l’ère Obama, cette présence s’est renforcée. Notamment au
Cameroun, où 300 militaires ont été envoyés il y a un peu plus d’un an
pour lutter contre Boko Haram. Les militaires américains se limitent
officiellement à des missions de formation et surtout de renseignement,
au Cameroun et dans les pays du bassin du lac Tchad. Grâce à des drones,
au moins deux selon une source sécuritaire camerounaise, et en
collaboration avec la force française Barkhane, la Force d’intervention
conjointe multinationale et, bien sûr, l’armée camerounaise.
Après l’élection de Donald Trump à la Présidence américaine, aucune
déclaration officielle des autorités camerounaises. Mais un cadre du
ministère de la Défense affiche sa confiance : « ils ont prévu de monter en puissance », assure cette source, qui cite même le projet de construction d’une base de maintenance pour l’aviation. Et de conclure : « je
ne pense pas que cela va se desserrer, les intérêts américains dans la
région sont supérieurs à quelques exigences de politique interne. Ils ne
partiront pas de sitôt. »
Coopération en dents de scie au Nigeria
Les Etats-Unis sont très impliqués dans la lutte contre Boko Haram
mais bizarrement envoient peu de troupes au Nigeria. Dans les pays
voisins, oui, mais sur le sol nigérian, quelques Américains seulement
sont présents de manière permanente. Du moins officiellement car le pays
n’est pas délaissé pour autant. Régulièrement, quelques dizaines de
militaires viennent pour un mois ou deux former leurs collègues
nigérians.
Cette coopération a repris il y a quelques mois après plus d’un an
d’interruption. Selon les Américains, le pays ne respectait pas ses
obligations et ne fournissait ni armes ni véhicules adaptés à ses
soldats. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont en train de former un
bataillon et fournissent eux-mêmes des armes légères aux troupes
nigérianes.
Autre difficulté : les lois encadrant les opérations américaines à
l’étranger, elles interdisent par exemple à l’armée de former un homme
qui aurait commis des exactions. Or, de l’aveu même d’un responsable
américain, c’est assez difficile à vérifier et beaucoup de militaires
nigérians ont participé à des actions un peu limite, voire franchement
illégales. Malgré ces contraintes, les Etats-Unis assurent qu’ils
respectent ces lois sur les droits de l’homme mais, selon plusieurs
chercheurs, le nouveau président Donald Trump pourrait se montrer un peu
moins regardant sur la question que son prédécesseur.
Au Sénégal, avec qui les Etats-Unis ont signé un accord de
coopération militaire il y a six mois, on ne trouve pas de base à
proprement parler, mais des entraînements communs et surtout des moyens –
non précisés – pour réagir très vite, en cas d’attaque terroriste par
exemple.
Le Niger, hub régional
Enfin, il y a aussi le Niger, où le Pentagone a confirmé, il y a un
peu plus d’un mois, la construction en cours d’une base aérienne pour
déployer des drones. Elle est située à Agadez, pour un coût final estimé
à 100 millions de dollars. C’est l’effort militaire américain le plus
important en Afrique de l’Ouest et fait du Niger un hub régional clé des
opérations militaires des Etats-Unis.
A Niamey, sur l’aéroport de Diori Hamani, la base française 101
accueille des forces américaines. Ici, l’opacité l’emporte et Niamey a
déroulé en toute discrétion le tapis rouge à Washington. Combien
d’Américains au Niger ? On ne sait pas. Une certitude, tout comme le 11
septembre, l’invasion du Nord Mali par des groupes jihadistes est un
tournant avec notamment le renforcement du dispositif de surveillance
avec des drones Reaper.
Elu en 2008, Barack Obama applique le « smart power », en français :
la « puissance subtile ». L’Amérique tourne la page de la brutalité de
l’administration Bush. Trump va-t-il faire du Bush? Le candidat a dit
vouloir une guerre totale contre le terrorisme mais a critiqué tout
interventionnisme. Le soutien au Niger et au Sahel sera-t-il maintenu,
voire plus soutenue ?
Impossible pour le moment de savoir les conséquences que l’élection
de Donald va avoir sur tout ce dispositif. Aucune déclaration précise
n’a été faite sur ce sujet, pas plus que sur les autres d’ailleurs, pour
le moment.
Les propos isolationnistes de Donald Trump peuvent
le laisser craindre, mais ce n’est pas ce que pense un haut diplomate
américain spécialiste de l’Afrique, pour qui l’armée américaine devrait
vite rappeler au nouveau président les intérêts stratégiques de son
pays.
En RCA, les Etats-Unis engagés dans la lutte contre la LRA
Réticente à se mêler des affaires centrafricaines considérées pendant
longtemps comme le pré-carré français, les Etats-Unis ont commencé fin
2011 à s’impliquer. Depuis 2014, l’administration Obama s’est même
engagée plus en avant. Aujourd’hui d’après plusieurs sources, plus d’une
centaine d’Américains, sont déployés dans la task force régionale de
l’Union africaine à Obo, dans l’extrême sud-est, aux côtés de la force
mixte UPDF-FACA (environ 800 soldats ougandais et une quarantaine de
centrafricains). Ce ne sont pas des troupes combattantes. Leur mission :
le conseil et la formation ainsi qu’un appui en matériel et du
renseignement à partir de satellites et d’aéronefs.
Est-ce que cet effort sera maintenu avec l’administration Donald Trump ? « C’est un gros point d’interrogation », ironise un spécialiste sécurité. Même question du côté des autorités centrafricaines : « Nous savons que les forces ougandaises sont amenées à partir d’ici le mois de mars, explique Albert Mokpème, porte-parole du président Touadéra. Ces
troupes seront certes remplacées mais cela rend l’engagement américain
d’autant plus important pour éviter qu’il n’y ait un vide et donc un
appel d’air. »
Cet effort permet également aux Etats-Unis d’avoir un œil dans la
région, notamment au Soudan du Sud, puisque l’état-major se trouve à
Yambio. Rien n’indique pour le moment en tout cas que Washington puisse
avoir envie de remettre cette stratégie en question.